Un jour comme un autre, la sonnette a retenti dans le salon.
En général, quand l’interphone sonne alors que je n’attends personne, j’ai tendance à ne pas aller ouvrir, de la même façon que je ne réponds plus au téléphone fixe réglé sur mute depuis des années. « Je vous propose des nouvelles fenêtres (…) d’élaguer vos arbres (…) de faire des dons (…) de rejoindre notre croisade (…) des pommes et des pommes de terre toutes fraiches de Normandie (…) vos voisins, eux, font appel à nos services. »
Non, je ne veux pas de nouvelles fenêtres, ni de pommes, surtout pas de pommes parce qu’une fois j’en ai commandé des pommes, 169 kg exactement. D’ailleurs, TOUT mon entourage s’en souvient encore mais là on s’égare.
Ce jour–là, j’ai répondu à l’interphone, agacée, quand :
— Bonjour, je suis une mamie. C’est vous qui avez installé cette boite à livres ?
— Oui.
— Je voulais vous dire que je suis heureuse parce que je prends des livres pour les lire à ma petite–fille. Elle aime beaucoup lire. Et moi aussi j’aime beaucoup lire alors je prends aussi des livres.
— Oh merci.
— Vous êtes des gens gentils d’avoir pensé à mettre cette boite à livres dans notre rue pour qu’on puisse partager nos lectures.
— … (sans voix)
— Je viendrai aussi mettre des livres. Je suis vraiment contente.
— Merci beaucoup.
Ce que je ne lui ai pas dit, c’est que cette boite à livres, c’est mon père qui l’a fabriquée –pour mon anniversaire– avec ses mains avec l’aide de mon fils sur une idée de mon mari qui a fait réaliser la plaque dessus et que pour moi, elle sera toujours plus qu’une boite en bois qui propose des livres à partager.
Elle contient aussi quelques fragments de mon cœur qui se distillent avec les livres.
Parfois, on ne sait pas pourquoi on fait quelque chose de différent de d’habitude, comme répondre à l’interphone intempestif, mais on le fait et on a bien fait.